Algérie: Il faut mettre fin aux restrictions frappant les médias

[vc_row full_width=”stretch_row_content_no_spaces”][vc_column][vc_single_image image=”2555″ img_size=”full” add_caption=”yes” label=””][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_column_text]Amnesty International appelle les autorités algériennes à respecter, protéger et promouvoir la liberté des médias, suite aux restrictions croissantes envers les médias et journalistes indépendants ces derniers mois.

Message dissuasif

Le 28 juin 2016, le ministère de la Communication a mis en demeure les chaînes de télévision privées, les avertissant qu’elles devaient se mettre en conformité avec la loi relative à l’activité audiovisuelle de février 2014 ou en subir les conséquences. Le ministre de la Communication avait déjà souligné en avril dernier que la tolérance de l’Etat avait des « lignes rouges qu’il ne faut pas franchir ».

La Loi relative à l’activité audiovisuelle de février 2014 stipule que les chaînes privées doivent obtenir une autorisation délivrée par l’autorité de régulation de l’audiovisuel avant de pouvoir commencer à diffuser. La loi ne précise pas le délai dans lequel les autorités doivent répondre aux demandes d’autorisation, et elle ne permet pas de contester ce délai devant une autorité judiciaire, ce qui expose les chaînes au risque de censure par le biais de délais non raisonnables. Amnesty International a déjà demandé aux autorités algériennes de modifier la loi et de la mettre en conformité avec les obligations internationales de l’Algérie en matière de droits humains, et ses garanties constitutionnelles.

Les autorisations de diffuser s’avèrent difficiles à obtenir dans la pratique. En conséquence, la grande majorité des chaînes privées demeurent sans statut juridique. Elles ont été jusqu’à présent largement tolérées par le gouvernement, qui exerce une répression sélective contre les chaînes qui diffusent des propos critiques à l’égard des autorités.

En mars 2014, les autorités ont fermé la chaîne privée Al Atlas TV, apparemment pour avoir couvert des manifestations critiques en rapport avec l’élection présidentielle d’avril 2014.Elles ont également fermé la chaine El Watan TV en octobre 2015, après que le ministère de la Communication ait annoncé publiquement son intention de porter plainte contre la chaine et son directeur pour diffusion illégale et contenus subversifs portant atteinte aux symboles de l’État.

Arrestations et poursuites

Mehdi Benaissa, directeur de la chaîne de télévision KBC et de la compagnie de production Ness Prod, Ryad Hartouf, responsable de production à KBC, et Nora Nedjai, déléguée au ministère de la Culture, risquent jusqu’à 10 ans de prison à propos des autorisations de tournage obtenues pour deux émissions de télévisions satiriques pour la chaine KBC. Ils ont été mis sous mandat de dépôt le 24 juin 2016. Amnesty International demande leur libération immédiate et inconditionnelle.

Ils sont accusés sous l’article 223 du code pénal, passibles d’une peine pouvant aller jusqu’à 3 ans de prison pour « fausse déclarations » et les articles 33 et 42 de la Loi 06-01 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption, passibles d’une peine pouvant aller jusqu’à 10 ans de prison pour abus de fonction.

Amnesty International considère que les charges retenues à leur encontre sont motivées par des raisons politiques. Ils ont été mis sous mandat de dépôt après que les gendarmes aient mis sous scellé le studio où s’enregistrait l’émission Ki hna ki ennass le 19 juin 2016, au motif que ces studios avaient déjà été utilisés par la chaîne Atlas TV.

Selon les personnes avec lesquelles Amnesty International s’est entretenue, ces mêmes studios avaient été récemment utilisés par une autre chaine, qui n’avait pas fait face à des difficultés. Le 23 juin 2013, les gendarmes ont également demandé l’arrêt de l’émission Ness Estah. Amnesty International craint que KBC soit punie pour sa ligne éditoriale indépendante.

Campagne de répression

Les restrictions à l’encontre des medias indépendants ont augmenté ces derniers mois. Le 15 juin 2016, le tribunal administratif de Bir Mourad Raies a ordonné le gel du rachat des parts du groupe de presse El Khabar par Ness Prod. Les avocats de la défense se sont récemment retirés du dossier pour protester.

Un dirigeant d’El Khabar a indiqué à Amnesty International qu’il craignait que cette décision ait été prise en représailles pour la ligne éditoriale indépendante du journal, et en particulier son opposition à ce que le président Abdelaziz Bouteflika fasse campagne pour un troisième et quatrième mandat.

Le ministère de la Communication s’est également opposé au rachat, citant des mesures antitrust et des articles du Code de l’information. Bien qu’il soit légitime d’avoir des mesures antitrust raisonnables, le pluralisme est vital pour assurer une presse libre et dynamique. Le Code de l’information est excessivement restrictif, et en pratique ne fait que consolider le contrôle de l’Etat sur les médias à travers un régime serré d’autorisations et de régulations sur les propriétaires de publications.

Les autorités algériennes doivent harmoniser la législation nationale, dont le Code de l’information, avec la nouvelle Constitution et ses garanties pour la liberté d’expression – et en particulier l’Article 41(3) qui garantit la liberté des médias sans censure préalable. Cette harmonisation sera une bonne opportunité pour revoir et clarifier les dispositions vagues du Code de l’information, et pour le mettre en conformité avec les normes internationales de droits humains, et en particulier l’article 19 du e Pacte international relatif aux droits civils et politiques et l’article 9 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples dont l’Algérie est État partie.

Publié le 01.07.2016

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