Égypte. Soumettre des prisonniers à la détention à l’isolement est un acte de torture

[vc_row full_width=”stretch_row_content_no_spaces”][vc_column][vc_single_image image=”4979″ img_size=”full” label=””][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_column_text]Les dernières recherches menées par Amnesty International ont permis de découvrir qu’en Égypte, des personnes incarcérées sur la base d’accusations motivées par des considérations politiques sont maintenues en détention à l’isolement de façon prolongée et pour une durée indéterminée. Elles sont enfermées dans leur cellule 24 heures sur 24 et plusieurs semaines d’affilée, privées de tout contact avec d’autres personnes et soumises à d’épouvantables conditions de détention.

Le rapport intitulé Crushing humanity: the abuse of solitary confinement in Egypt’s prisons révèle que de nombreux militants des droits humains, journalistes et membres de l’opposition placés en détention à l’isolement sont soumis à de terribles violences physiques : ils sont frappés par les gardiens de prison, et on leur plonge à plusieurs reprises la tête dans un récipient rempli d’eau polluée par des excréments humains, notamment. Les souffrances psychiques et physiques qui leur sont infligées de façon intentionnelle causent des crises de panique, des troubles paranoïaques, une hypersensibilité aux stimuli, et des difficultés de concentration et de mémorisation.

« Le droit international prévoit que la détention à l’isolement ne peut être utilisée à titre de mesure disciplinaire qu’en dernier recours, mais les autorités égyptiennes l’utilisent pour infliger aux prisonniers politiques une terrible sanction “supplémentaire”, de façon cruelle et arbitraire, et dans le but d’écraser leur humanité et de leur faire perdre tout espoir en un avenir meilleur, a déclaré Najia Bounaim, directrice du travail de campagne pour l’Afrique du Nord à Amnesty International.

« En Égypte, les conditions de détention ont toujours été mauvaises, mais la cruauté délibérée de ces agissements témoigne du mépris généralisé des autorités égyptiennes à l’égard des droits humains et de la dignité humaine. »

Amnesty International a rassemblé des informations sur 36 cas de prisonniers soumis à une détention à l’isolement prolongée et pour une durée indéterminée ; six d’entre eux sont de façon illégale coupés du monde extérieur depuis 2013.

Le 3 mai 2018, les autorités égyptiennes ont envoyé une lettre à Amnesty International pour répondre aux conclusions du rapport qui leur avaient été envoyées avant son lancement. Les autorités ont affirmé que le fait de placer les prisonniers dans des cellules individuelles ne constitue pas une détention à l’isolement interdite par le droit international relatif aux droits humains et que des prisonniers sont logés dans ces cellules en raison de l’architecture de nombreuses prisons en Égypte, et que cela n’a rien à voir avec une quelconque punition de prisonniers en raison de leurs opinions politiques. Cependant, l’explication des autorités ne justifie aucunement le fait de confiner les prisonniers à leurs « cellules individuelles » durant plus de 22 heures par jour pour une durée qui dépasse les 15 jours, ce qui correspond à la définition d’une détention à l’isolement prolongée, qui s’apparente à des actes de torture ou d’autres mauvais traitements.

D’anciens prisonniers interrogés par l’organisation ont expliqué qu’ils avaient été frappés par des responsables de la prison pendant de longues périodes, puis détenus dans des pièces exiguës, seuls, plusieurs semaines de suite. Six prisonniers ont été maintenus en détention à l’isolement pendant plus de quatre ans.

De plus, ces prisonniers ne reçoivent pas suffisamment d’eau et de nourriture, les conditions d’hygiène auxquelles ils sont soumis sont déplorables et ils n’ont pas de matériel de couchage digne de ce nom. D’anciens prisonniers qui ont été longtemps maintenus en détention à l’isolement ont dit à Amnesty International que cette expérience les a profondément marqués psychologiquement. Ils souffrent de dépression, d’insomnie et ne veulent pas fréquenter les autres détenus ou parler avec eux quand ils sont réintroduits au sein de la population carcérale.

Parmi les personnes ciblées figurent également des membres de tout un ensemble de partis politiques et de mouvements de l’opposition, notamment les Frères musulmans et le Mouvement de la jeunesse du 6 avril.

Tous les cas examinés suivent le même schéma, avec des détenus enfermés dans leur cellule plus de 22 heures par jour, et un temps d’exercice quotidien de 30 minutes à une heure. Les contacts avec les autres prisonniers ne sont pas autorisés, les prisonniers sont privés de visites régulières de leurs proches, et l’un d’entre eux n’avait pas reçu une seule visite depuis octobre 2016. On n’a pas dit à ces prisonniers quand cesserait leur détention à l’isolement, dont ils ne voyaient donc pas la fin.

La détention à l’isolement est parfois utilisée pour sanctionner les prisonniers qui se plaignent de mauvais traitements, et ceux dont on sait qu’ils ont envoyé des lettres faisant état de mauvaises conditions de détention.

Dans certains cas, cette pratique a été utilisée pour extorquer des « aveux » à des personnes emprisonnées sur la base de fausses accusations. Dans la plupart des cas cependant, Amnesty International a découvert que des groupes de prisonniers sont maintenus en détention à l’isolement pour une durée indéterminée uniquement en raison de leurs activités politiques passées.

« Les responsables des prisons égyptiennes utilisent illégalement la détention à l’isolement pour éradiquer la dissidence ou tout comportement des détenus perçu comme répréhensible, alors qu’un grand nombre d’entre eux ont été emprisonnés sur la base d’accusations mensongères, a déclaré Najia Bounaim.

« En Égypte, les défenseurs des droits humains, les journalistes et les membres de l’opposition sont non seulement pris pour cible pour avoir exprimé leurs opinions pacifiquement dans le monde extérieur, mais aussi victimes de nouvelles persécutions derrière les barreaux. »

Amnesty International a mené 91 entretiens avec neuf anciens détenus et avec des membres de la famille de 27 personnes toujours emprisonnées. Les entretiens ont été réalisés entre mars 2017 et avril 2018.

« La totale indifférence dont font preuve les autorités à l’égard des souffrances psychiques que provoque une détention à l’isolement prolongée et pour une durée indéterminée infligée à des êtres humains déjà punis d’une peine d’emprisonnement, souvent uniquement en raison de leurs convictions politiques, est une illustration de la violence qui imprègne de nombreuses institutions égyptiennes actuellement », a déclaré Najia Bounaim.

Depuis que l’ancien président Mohamed Morsi a été remplacé, le 3 juillet 2013, par le président Abdelfattah al Sissi, qui a entamé un second mandat, les autorités égyptiennes ont arrêté des dizaines de milliers de personnes sur la base d’accusations motivées par des considérations politiques.

Publié le 10.05.2018

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