France. Des mesures antiterroristes injustes sont utilisées pour «persécuter au lieu de poursuivre»

[vc_row full_width=”stretch_row_content_no_spaces”][vc_column][vc_single_image image=”6176″ img_size=”full” label=””][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_column_text]Malgré la levée de l’état d’urgence il y a un an, des pouvoirs exceptionnels sont toujours utilisés dans le cadre de la lutte contre le terrorisme pour punir injustement des personnes sans inculpation ni procès, laissant nombre d’entre elles dans une situation juridique incertaine, révèle un nouveau rapport d’Amnesty International rendu public jeudi 22 novembre.

Intitulé Punitions sans procès. L’utilisation de mesures de contrôle administratif dans le contexte de la lutte contre le terrorisme en France, ce rapport montre comment les mesures de contrôle, en contournant le système de justice pénale ordinaire et ses principes, restreignent fortement les droits des personnes.

« Les mesures introduites sous l’état d’urgence, qui étaient censées être exceptionnelles et temporaires, sont désormais solidement intégrées dans le droit commun français. Elles portent atteinte à la vie des personnes en les privant implacablement de leurs droits fondamentaux », a indiqué Rym Khadhraoui, chercheuse d’Amnesty International sur l’Europe occidentale.

« La France a créé un système juridique à deux niveaux qui cible des personnes selon des critères vagues et imprécis, s’appuie sur des informations secrètes et n’offre pas de réelles possibilités de se défendre. »

En accordant aux autorités une grande marge de manœuvre pour sanctionner des personnes en dehors du système de justice pénale ordinaire, les mesures de contrôle administratif ouvrent la voie à des pratiques abusives et à une application discriminatoire, notamment à l’encontre des musulmans.

Dans une sorte de version moderne du « crime de pensée » d’Orwell, les mesures de contrôle sont prises sur la base d’actes qu’une personne pourrait commettre à l’avenir, au lieu de se fonder sur des infractions déjà commises. Ces interventions « préventives » peuvent avoir des conséquences dramatiques sur la vie des personnes concernées et de leur famille.

Les mesures de contrôle, qui reposent sur des critères imprécis et généralement sur des informations tenues secrètes, permettent au ministère de l’Intérieur d’imposer aux personnes un large éventail de restrictions. Par exemple, il peut leur interdire de quitter une ville spécifique, les obliger à pointer chaque jour au commissariat et leur interdire de fréquenter certaines personnes.

Rochdi a fait l’objet d’une mesure de contrôle administratif. Il a été assigné à résidence dans la petite ville d’Échirolles pendant un an et demi. Tout au long de cette période, il n’a pas pu rendre visite à sa mère qui vit dans une autre commune et a eu du mal à trouver un emploi en raison de l’offre limitée à Échirolles, qui s’étend sur 8 km² seulement. « Ils ont ruiné ma vie, a-t-il dit à Amnesty International. C’est plus grave qu’une peine de prison parce qu’on est enfermé à l’extérieur. Au moins, en prison, il n’y a pas d’autre possibilité. »

Les mesures de contrôle donnent souvent lieu à des situations absurdes. Pour Rochdi, l’obligation de travailler qui lui a été imposée par le juge judiciaire n’était pas compatible avec les restrictions prévues par sa mesure administrative d’assignation à résidence. Cette situation a fini par lui faire perdre son emploi.

Dans des cas comme celui de Rochdi, les mesures de contrôle administratif restreignent non seulement injustement le droit de circuler librement d’une personne, mais aussi son droit au respect de la vie privée et familiale et son droit au travail, en violation des obligations de la France au regard du droit international.

Kamel Daoudi est assigné à résidence depuis plus de dix ans. Conformément à cette mesure, il est contraint de vivre dans une petite ville qui se trouve à plus de 400 km de sa famille et il doit pointer au commissariat trois fois par jour et respecter un couvre-feu. Les autorités françaises refusent de renouveler son autorisation provisoire de séjour et ne peuvent pas le renvoyer dans son pays d’origine, l’Algérie, car il risquerait d’y être torturé. Dans les faits, il se retrouve donc piégé pour une durée indéterminée. Il a déclaré à Amnesty International :

« Cette mesure est déshumanisante parce que, finalement, toute ma vie est organisée autour de ces pointages. Ma vie se réduit à quelque chose de très absurde. »

Le rapport révèle également que les personnes qui ont été ciblées sous l’état d’urgence sans faire l’objet d’une enquête ni être inculpées par la suite subissent toujours les lourdes conséquences de cette situation. Des personnes ont dit être traumatisées par les actions des autorités, ajoutant qu’elles et leur famille souffraient encore de préjudices psychologiques et de stress. Les mesures actuelles de contrôle pourraient avoir des effets similaires à long terme.

« L’état d’urgence en France n’a été levé que pour dévoiler un état de sécurisation permanent et draconien. Les mesures extraordinaires sont devenues la norme, les éléments de preuve ont laissé place à des renseignements secrets et des personnes sont persécutées au lieu d’être poursuivies », a indiqué Rym Khadhraoui.

« S’il est vital de protéger la population contre des attaques violentes, contourner le système pénal dans le but de cibler des personnes parce qu’on suppose qu’elles pourraient commettre des infractions à l’avenir est absurde et injuste. Ces mesures de contrôle doivent être abrogées. »

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