Algérie. Préoccupations principales en matière de droits humains en 2018

[vc_row full_width=”stretch_row_content_no_spaces”][vc_column][vc_single_image image=”6711″ img_size=”full” label=””][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_column_text]En 2018, les autorités ont restreint de façon injustifiée les droits à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association, notamment en procédant à l’arrestation et à la détention arbitraire de journalistes et de militants sur la base de dispositions très restrictives du Code pénal. Elles ont maintenu une interdiction de facto de manifester dans la capitale, Alger, et ont fait usage d’une force excessive pour disperser des manifestants pacifiques dans plusieurs villes du pays.

durant l’année  2018 encore, les autorités ont laissé de nombreuses associations dans l’incertitude juridique. En raison de leurs convictions, des membres de la minorité religieuse musulmane ahmadie ont été harcelés par le pouvoir judiciaire. Une loi sur la santé garantissant les principes d’universalité et d’égalité d’accès aux soins est entrée en vigueur ; les motifs pouvant justifier le recours à l’avortement légal n’ont toutefois pas été étendus.

Les autorités ont continué de mener des opérations répressives et discriminatoires contre les personnes migrantes, réfugiées ou demandeuses d’asile d’Afrique subsaharienne. Plusieurs milliers d’entre elles ont ainsi fait l’objet de mesures arbitraires d’arrestation, de détention ou d’expulsion. L’impunité pour les atteintes aux droits humains commises dans le passé restait généralisée. Des condamnations à mort ont été prononcées mais aucune exécution n’a eu lieu.

Liberté d’expression

Cette année encore les autorités ont utilisé des dispositions du Code pénal pour bâillonner la liberté d’expression. Au moins sept journalistes et six militants ont été arrêtés et placés en détention en vertu de telles dispositions. Plusieurs d’entre eux ont été jugés et condamnés, dans certains cas à une peine d’emprisonnement.

Les journalistes Khelaf Benhadda, Saïd Boudour et Adlène Mellah, et le lanceur d’alerte Noureddine Tounsi, ont été arrêtés le 31 mai et le 1er juin pour outrage à corps constitué et atteinte à l’unité nationale. Ils avaient travaillé sur un scandale de corruption dans la ville d’Oran. Tous ont été remis en liberté sans inculpation le 4 juin.

Le 6 juin, la cour d’appel de la ville de Relizane a confirmé la condamnation à deux ans d’emprisonnement du militant Abdallah Benaoum pour, notamment, avoir « instrumentalisé les blessures de la tragédie nationale » – une référence au conflit interne qui a déchiré l’Algérie dans les années 1990. Il avait publié sur Facebook des commentaires critiques vis-à-vis du gouvernement.

La cour d’appel de Bejaïa a confirmé le 21 juin la condamnation du militant et blogueur Merzoug Touati, pour des contenus pacifiques qu’il avait mis en ligne. Elle a toutefois ramené à sept ans la peine de dix ans d’emprisonnement prononcée en première instance. En 2017, le blogueur avait lancé sur les réseaux sociaux un appel aux habitants de Bejaïa pour qu’ils manifestent contre la nouvelle loi de finances et diffusent une interview qu’il avait réalisée auprès d’un porte-parole du gouvernement israélien contestant les accusations des autorités algériennes selon lesquelles le gouvernement israélien était impliqué dans le mouvement de protestation en Algérie. Selon les autorités algériennes, Merzoug Touati avait « encouragé les troubles civils2 ».

Le 7 août, un tribunal de la ville de Ghardaïa a condamné le blogueur Salim Yezza à un an d’emprisonnement avec sursis, en raison de la publication sur Facebook d’un commentaire accusant les autorités de pratiquer la discrimination contre les Mozabites, une minorité ethnique amazigh. Les journalistes Merouane Boudiab et Abdou Semmar ont été détenus pendant plus de 15 jours en octobre et novembre pour diffamation, entre autres charges, après avoir publié notamment des allégations selon lesquelles le gouverneur d’Alger aurait eu une conduite inappropriée dans le cadre d’un projet de construction immobilière. Ils ont été remis en liberté le 8 novembre, mais une enquête était toujours en cours.

Le 11 novembre, le journaliste Saïd Chitour a été condamné à 16 mois d’emprisonnement ferme et un an d’emprisonnement avec sursis après un procès d’une journée à l’issue duquel il a été déclaré coupable d’espionnage pour avoir vendu des documents classifiés à des diplomates étrangers. Ayant effectué 16 mois de détention provisoire, il a été remis en liberté le jour même. La condamnation se fondait pour l’essentiel sur des éléments montrant qu’il avait réalisé des rapports sur la situation des droits humains en Algérie et les avait transmis à des ambassades étrangères.
Le 25 décembre, le responsable des sites d’information Algerie Direct et Dzair Press, Adlène Mellah, a été condamné à un an de prison ferme et à une amende de 100 000 dinars (environ 840 dollars des États-Unis) pour « incitation à un attroupement non armé » et « désobéissance civile ». La police l’avait arrêté le 9 décembre à Alger, alors qu’il participait à une manifestation de soutien à un chanteur algérien emprisonné.

Liberté de réunion

Les autorités ont maintenu une interdiction de facto de manifester dans Alger, en application d’un décret non publié de 2001. En plusieurs occasions, les forces de sécurité ont dispersé arbitrairement des personnes au motif que le rassemblement auquel elles participaient n’avait pas été autorisé. Un rassemblement organisé pour marquer le 30e anniversaire des émeutes antisystème d’octobre 1988 a été autorisé, mais s’est tenu sous haute surveillance.

Entre janvier et avril, à Alger, les forces de l’ordre sont intervenues, parfois au moyen d’une force excessive, contre plusieurs manifestations pacifiques d’internes en médecine qui protestaient contre leurs conditions de travail. Le 3 janvier, des agents des forces de sécurité ont fait irruption dans un hôpital de la capitale et utilisé des matraques et des instruments à décharges électriques pour empêcher des milliers de membres du corps médical de quitter l’établissement pour se rendre à une manifestation. Une vingtaine de personnes au moins ont été blessées. Des manifestants ont également été dispersés par la force le 19 mars, ainsi que le 24 avril. Ce jour-là, la police a obligé des dizaines de personnes à monter à bord de bus qui les ont emmenées loin d’Alger, notamment jusqu’à la ville de Lakhdaria, à plus de 70 kilomètres de la capitale.

En juillet, les forces de sécurité ont dispersé par la force des manifestants rassemblés à Ouargla pour protester contre le chômage.
En septembre, les autorités ont empêché des sympathisants de Mouwatana, un mouvement politique mobilisé contre un cinquième mandat du président Abdelaziz Bouteflika, de se rassembler pacifiquement à Constantine et Bejaïa. Dans cette dernière ville, au moins trois des membres fondateurs de l’organisation ont été arrêtés par les autorités. Détenus pendant plusieurs heures, ils ont ensuite été relâchés sans inculpation.

Liberté d’association

Cette année encore, les pouvoirs publics ont maintenu dans un vide juridique de nombreuses associations, dont Amnesty International Algérie, en n’accusant pas réception de leur demande d’enregistrement soumise en application de la Loi relative aux associations, extrêmement restrictive.
Le 27 février, sans notification préalable, les forces de sécurité ont placé sous scellés les bureaux de deux ONG locales – Femmes algériennes revendiquant leurs droits et l’Association féministe pour l’épanouissement de la personne et l’exercice de la citoyenneté.

Ces deux ONG n’étaient pas légalement enregistrées, selon les autorités, qui ont toutefois levé l’interdiction frappant leurs activités en mars.
Faisant valoir une « absence d’autorisation pour un rassemblement public », les autorités d’Oran ont interdit, en juillet, la septième rencontre nationale de la plateforme Migration Algérie, qui rassemble 15 ONG.

Sans avancer de motif, les autorités de Bejaïa ont interdit, en novembre, un événement public organisé par la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme à l’occasion du 70e anniversaire de l’adoption par les Nations unies de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Liberté de religion et de conviction

Les autorités judiciaires ont harcelé des membres du mouvement religieux minoritaire ahmadi en raison de leur foi. Des dizaines de personnes ont fait l’objet d’une enquête ou ont été traduites en justice, et certaines se sont vu confisquer leur passeport. Mohamed Fali, alors président de la communauté ahmadie d’Algérie, a été arrêté et détenu pendant plusieurs heures à Annaba. Inculpé de collecte de dons sans autorisation, de « dénigrement de la religion de l’islam » et d’appartenance à une association interdite, Kamel Tihmamine, un ahmadi, est resté assigné à résidence. Il n’avait toujours pas été jugé à la fin de l’année.

Au cours de l’année, au moins huit lieux de culte chrétiens (dont sept protestants) situés dans diverses régions ont été fermés sur ordre des autorités locales au motif de non-respect d’un décret de 2006 sur les « cultes autres que musulmans » et de non-conformité avec les normes de sécurité. Deux lieux de culte protestants de la région d’Oran qui avaient été placés sous scellés en février ont été autorisés à rouvrir leurs portes en juin.

Personnes migrantes, réfugiées ou demandeuses d’asile

Les autorités ont poursuivi les opérations répressives entamées en août 2017 contre les migrants venus d’Afrique subsaharienne. Plusieurs milliers de personnes ont ainsi été arrêtées arbitrairement, placées en détention, transférées de force dans l’extrême sud du pays et expulsées vers les pays voisins. En avril, les forces de sécurité ont procédé à des arrestations massives dans la ville d’Oran lors d’opérations de ratissage au cours desquelles des migrants ont été frappés à coups de matraque et roués de coups de pied.

Selon des organisations internationales qui surveillent la situation, au cours de l’année, plus de 12 000 Nigériens et plus de 600 personnes venues d’autres pays d’Afrique subsaharienne, parmi lesquels des hommes et des femmes en situation régulière, réfugiés ou demandeurs d’asile, ont été sommairement expulsés vers le Niger. Parallèlement, les autorités ont transporté de force au moins 11 000 personnes originaires de pays d’Afrique subsaharienne à la frontière avec le Niger, et les ont abandonnées là. Plus de 3 000 autres ont été conduites de la même façon à la frontière avec le Mali. Dans certains cas, les forces de sécurité ont mis en joue des migrants pour les contraindre à traverser le désert et franchir la frontière.
Selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) en Algérie, le 26 décembre, les autorités algériennes ont conduit au moins 100 personnes de nationalité syrienne, yéménite ou palestinienne à la frontière avec le Niger et les ont abandonnées dans le désert. Parmi ces personnes se trouvaient plusieurs réfugiés et demandeurs d’asile enregistrés qui avaient auparavant été détenus à Tamanrasset.

En avril, le Comité des Nations unies pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille a examiné le deuxième rapport de l’Algérie sur le sujet et a fait part de sa préoccupation concernant les expulsions collectives vers le Niger de travailleuses et travailleurs migrants, qu’ils soient en situation régulière ou irrégulière, ainsi que d’hommes et de femmes réfugiés ou demandeurs d’asile ; le Comité a également indiqué s’inquiéter du fait que de nombreuses personnes étaient abandonnées dans le désert. Il a souligné que les personnes concernées étaient susceptibles d’être victimes de violences, y compris de violences sexuelles, et d’exploitation.

Dans ses observations finales, il a recommandé à l’Algérie d’élaborer une stratégie globale pour la migration de main-d’oeuvre et de permettre aux travailleuses et travailleurs migrants, y compris ceux en situation irrégulière, d’accéder à la justice, aux services de police, à la santé, à l’éducation, à la sécurité sociale et au logement, sans crainte d’être arrêtés, détenus ou expulsés par les autorités.

Cette année encore, des Algériens qui avaient tenté de gagner l’Europe en quittant leur pays autrement que par des postes-frontières ont été condamnés à des amendes et à des peines d’emprisonnement avec sursis allant jusqu’à six mois pour sortie du territoire de façon irrégulière.

Droits des femmes

Une nouvelle loi sur la santé est entrée en vigueur en août. Elle garantissait l’universalité et l’égalité d’accès aux soins de santé, prévoyait des mesures en matière de protection des femmes contre les violences et renforçait les dispositions en faveur de la santé maternelle. Elle ne reconnaissait toutefois pas de nouveaux motifs ouvrant droit à un avortement légal. L’« interruption thérapeutique de grossesse » ne restait autorisée qu’en cas de danger pour la vie de la femme ou de la jeune fille enceinte ou de menace grave pesant sur son « équilibre physiologique et mental ».

Dans toutes les autres circonstances, l’avortement était toujours considéré comme une infraction pénale, passible d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à cinq ans pour les médecins le pratiquant et deux ans pour les femmes et les jeunes filles concernées. Les femmes étaient victimes de discrimination dans la législation et dans la pratique. Le Code de la famille restait discriminatoire à leur égard en matière de mariage, de divorce, de garde des enfants, de tutelle et d’héritage.

Le viol était interdit, mais le Code pénal ne donnait toujours pas de définition de l’acte et ne reconnaissait pas expressément le viol conjugal comme une infraction.

Impunité pour les atteintes aux droits humains commises dans le passé

Les autorités n’ont pris aucune mesure contre l’impunité massive en ce qui concerne les graves atteintes aux droits humains et les possibles crimes contre l’humanité, notamment les homicides illégaux, les disparitions forcées, les viols et les autres formes de torture, commis par les forces de sécurité et les groupes armés dans les années 1990, au cours du conflit interne algérien.

Peine de mort

Les tribunaux ont continué de prononcer des condamnations à la peine capitale. Toutefois, aucune exécution n’a eu lieu depuis 1993.

Publié le 26.02.2019

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