Monsieur le Ministre,
M. Belkacem Zeghmati
Ministre de la Justice
8 Place Bir Hakem
Alger, Algérie
Monsieur le Ministre,
Le procès de Karim Tabbou a une nouvelle fois été reporté au 1er juin 2020, en raison des règlementations mises en place par les autorités pour contrôler la propagation du COVID-19. Karim Tabbou est incarcéré depuis plus de huit mois maintenant et a souffert de graves problèmes de santé en prison avant de se remettre lentement, d'après ses avocats qui continuent de lui rendre visite.
Karim Tabbou a été arrêté une première fois le 11 septembre 2019 et inculpé d'« atteinte au moral de l'armée », une infraction passible d'une peine maximale de 10 ans de prison au titre de l'article 75 du Code pénal. Deux semaines après son arrestation, le 25 septembre 2019, il a été remis en liberté, soi-disant dans l'attente de son procès. À sa grande surprise, il a été immédiatement remis en détention le lendemain pour une vidéo qu'il avait diffusée en avril 2019. Cette fois-ci, il a été inculpé d'« incitation à commettre des actes de violence avec intention de porter atteinte à la défense nationale » et « atteinte à l'unité nationale » en préparant et en diffusant des vidéos sur les réseaux sociaux.
Pour ces accusations liées à des propos, Karim Tabbou a tout d'abord comparu devant le tribunal de première instance de Sidi M'hamed le 11 mars 2020. Le tribunal l'a condamné à une amende et à une peine de 12 mois de prison, dont six avec sursis. Il devait être libéré le 25 mars 2020, ayant déjà passé six mois derrière les barreaux. Cependant, la veille de sa libération, le 24 mars, la cour d'appel du Ruisseau a confirmé sa condamnation lors d'un procès qui a piétiné les principes d'équité, notamment le droit de la défense de disposer du temps nécessaire pour préparer son plaidoyer et le droit d'avoir accès au dossier avant le procès, et l'a renvoyé en prison, où il se trouve toujours.
Karim Tabbou a été informé de la tenue du procès le matin même, lorsqu'il a été transféré de la prison de Koléa à la cour d'appel, sans que sa famille ni ses avocats n'en soient avertis. Ses avocats ont été alertés de la tenue du procès par un collègue qui se trouvait dans la salle d'audience à ce moment-là. Karim Tabbou s'est évanoui dans la salle d'audience en raison d'une hausse de sa tension artérielle ; ses avocats se sont précipités au tribunal et l'ont trouvé à l'infirmerie. Ils ont boycotté le procès, après que les juges ont refusé de le reporter et ont prononcé le verdict en l'absence de l'accusé, en violation flagrante des garanties d’une procédure régulière.
Aussi je vous demande de le libérer immédiatement et sans condition, et d'annuler sa condamnation, car Karim Tabbou est un prisonnier d'opinion. Dans l'attente de sa libération, je vous prie de veiller à ce qu'il ait accès à des soins médicaux adéquats et soit protégé contre les risques d'infection par le COVID-19. Enfin, je vous demande d'enquêter sur les conditions de son arrestation et de sa détention et de libérer tous les prisonniers et prisonnières d'opinion incarcérés en Algérie.
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de ma haute considération.
**votre signature**