Europe. Comment combattre les discriminations liées à la lutte contre le terrorisme

Les discriminations contre les personnes musulmanes dans le cadre de la lutte contre le terrorisme en Europe ont contribué à créer un environnement qui les expose davantage aux propos haineux et aux attaques, écrivent Amnesty International et les Fondations Open Society dans un guide à paraître le 3 février 2021.

Le Guide des droits humains pour mener des recherches sur la discrimination raciale et religieuse dans le cadre du contre-terrorisme en Europe (en cours de traduction en français) est destiné aux personnes qui travaillent dans le domaine des droits humains ou de la lutte contre la discrimination. Il montre comment les activités et affiliations légitimes des musulmans ont été utilisées pour justifier des opérations de surveillance, des arrestations, des expulsions, des déchéances de nationalité, des mesures de lutte contre la radicalisation et d’autres restrictions de leurs droits.

Dans le cadre de l’interminable “guerre contre le terrorisme”, les musulmans sont victimes de profilage ethnique et font plus souvent l’objet que le reste de la population de mesures de surveillance, de restrictions de leurs mouvements, d’arrestations et d’expulsions.

Eda Seyhan, l’autrice du guide de recherche.

« En prenant des mesures de lutte contre le terrorisme qui ciblent les musulmans, les gouvernements européens ont renforcé l’opinion raciste selon laquelle l’islam serait une “menace”, créant un climat propice à la normalisation des propos haineux contre les musulmans. »

Être la cible d’une mesure discriminatoire de lutte contre le terrorisme peut générer de la peur, de l’anxiété et des traumatismes, avec de potentiels effets à long terme qui sont notamment facteurs de perte de l’estime de soi, de dépression, de détresse psychologique et d’anxiété.

Ce problème est largement reconnu par les institutions des Nations unies et de l’Union européenne, mais les groupes de défense des droits humains et les organes de contrôle y accordent généralement moins d’attention qu’aux autres violations des droits humains commises dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, en partie parce que la discrimination est difficile à prouver.

L’impact disproportionné des mesures contre la pandémie de COVID-19 sur les minorités et le renforcement de l’aspect sécuritaire des stratégies de santé publique mettent aussi en évidence la nécessité de dénoncer la discrimination en lien avec le contre-terrorisme. Par ailleurs, les récentes manifestations Black Lives Matter ont poussé de nombreuses organisations à réévaluer l’aide qu’elles souhaitent apporter au mouvement antiraciste.

Ce guide encourage les instances de la société civile à redoubler d’efforts pour combattre les discriminations qui surviennent spécifiquement dans le contexte de la lutte contre le terrorisme. Il donne également des outils aux lecteurs pour dénoncer le racisme systémique et les menaces contre la liberté religieuse dans ce domaine.

« Pour être des alliées efficaces dans le combat contre l’islamophobie, les organisations de défense des droits humains doivent être capables de repérer et de contester les lois et politiques de lutte contre le terrorisme qui sont discriminatoires à l’égard des musulmans. Ce guide est un outil pour les y aider », a déclaré Nils Muižnieks, directeur pour l’Europe à Amnesty International.

Le guide recommande de repenser complètement la manière dont les mesures de lutte contre le terrorisme sont envisagées au sein de l’Union européenne et de donner voix au chapitre aux communautés musulmanes. Ces demandes sont particulièrement importantes à l’heure où le programme de lutte antiterroriste de l’Union européenne vient d’être rendu public et où de nouvelles dispositions législatives en France et en Autriche visent injustement les musulmans européens qui respectent la loi.

« Nous espérons que, grâce à ce guide, des organisations et des organes de contrôle pourront prouver que les mesures actuelles de lutte contre le terrorisme alimentent le racisme systémique contre les musulmans et qu’elles sont en définitive à la fois contre-productives et inefficaces », a affirmé Cristina Goñi, directrice régionale Politique de sécurité aux Fondations Open Society.