Afghanistan. La date limite fixée pour les évacuations doit être repoussée alors que les talibans menacent de représailles

Les talibans et la communauté internationale doivent de toute urgence parvenir à un accord afin de repousser la date-butoir du 31 août et de terminer les opérations d’évacuation hors d’Afghanistan, dans le but de protéger les milliers d’Afghan·e·s qui sont de plus en plus exposés au risque de violentes attaques de représailles, a déclaré Amnesty International le 26 août 2021.

Le président Joe Biden a déclaré que les États-Unis vont retirer leurs troupes d’Afghanistan dans cinq jours, faisant fi des appels qui réclament le report de ce retrait, des informations faisant état de menaces de plus en plus vives de la part des talibans à l’égard des défenseur·e·s des droits humains, des femmes et des filles, des minorités ethniques et religieuses, des législateurs et des journalistes.

Dans une récente enquête menée sur le terrain, les chercheurs d’Amnesty International ont révélé que neuf hommes hazaras ont été torturés et tués au mois de juillet par les talibans, dans la province de Ghazni.

Tous les efforts doivent désormais converger vers l’évacuation en toute sécurité des Afghans qui craignent les attaques de représailles des talibans et doivent fuir le pays. Les abandonner serait une trahison impardonnable.

« La communauté internationale doit repousser la date-butoir pour les évacuations et veiller à ce que ceux qui souhaitent quitter l’Afghanistan puissent le faire de manière sûre. Cela suppose de faire en sorte qu’ils puissent embarquer à bord d’avions et de suspendre les obligations de visa pour les personnes les plus à risque – d’autant que les informations faisant état d’atteintes aux droits humains, d’enlèvements et d’homicides ciblés imputables aux talibans continuent de nous parvenir. »

Des milliers d’Afghans continuent d’affluer à l’aéroport international Hamid Karzai, dans l’espoir de monter à bord des vols d’évacuation. Beaucoup doivent affronter les postes de contrôle tenus par les talibans pour atteindre les portes de l’aéroport. Pas moins de 20 personnes ont été tuées en tentant d’entrer dans l’enceinte, soit du fait de blessures par balle, l’armée américaine et les talibans tirant en l’air pour contrôler la foule, soit écrasées lorsque la foule s’est ruée vers l’aéroport.

Cette semaine, les talibans ont déclaré qu’ils n’accepteraient aucune prolongation et ne veulent pas voir les Afghans quitter le pays, ce qui fait craindre qu’ils ne tiendront pas leurs promesses de respecter et garantir le droit international relatif aux droits humains.

Des persécutions, des homicides et des atteintes aux droits humains qui se multiplient

La multiplication des informations faisant état d’atteintes aux droits humains augure mal de ce qui risque de se produire sous le régime des talibans.

Au 25 août, des informations ont indiqué que les talibans frappaient à toutes les portes à Kaboul à la recherche des défenseur·e·s des droits humains et des journalistes. Selon certaines informations, dans l’un de ces cas, lorsqu’ils n’ont pas réussi à localiser le journaliste qu’ils recherchaient, ils ont abattu l’un de ses proches et en ont blessé un autre.

Au cours de la première semaine de la prise de la capitale Kaboul, les talibans ont publiquement assuré aux femmes et à la communauté internationale que les droits des femmes seraient protégés conformément à la charia (loi islamique), mais quelques jours plus tard, ils ont enjoint aux femmes journalistes de ne pas se rendre au travail.

En juillet, les talibans ont enlevé, frappé et tué Nazar Mohammed, un célèbre acteur connu sous le nom de Khasha Zwan. Ils ont commencé par démentir cet homicide, avant de revendiquer ce meurtre commis de sang-froid.

En outre, on a recensé des centaines d’arrestations et d’enlèvements à Spin Boldak, dans la province de Kandahar, imputables aux talibans.

Des Afghan·e·s qui ont agité le drapeau national à l’occasion de la Journée de l’Indépendance ont été violemment dispersés par des combattants talibans. À Djalalabad, au moins trois personnes sont mortes et plusieurs ont été blessées – avivant les craintes pour la liberté d’expression sous le régime des talibans.

« Nos propres investigations sur le massacre dans la province de Ghazni prouvent que la capacité des talibans à tuer et à torturer n’a pas faibli, a déclaré Agnès Callamard.

« Les Afghans fuient au prix de sacrifices et de risques énormes, pour eux-mêmes et leurs familles. Les États ne doivent pas mettre en œuvre des stratégies de ” refoulement ” et doivent trouver le moyen d’aider tous ceux qui souhaitent quitter l’Afghanistan. » D’après les médias, des milliers d’Afghans fuyant par voie terrestre via l’Iran puis la frontière turque risquent d’être refoulés par les gardes-frontières et la police militaire turcs. Parallèlement, la Grèce a installé une clôture de 40 km à sa frontière avec la Turquie, craignant une augmentation du nombre de migrants venus d’Afghanistan.

Recommandations d’Amnesty International

Amnesty International demande la création d’un mécanisme de l’ONU robuste et indépendant, qui aura pour mandat de recenser, recueillir et préserver les éléments de preuve relatifs aux crimes relevant du droit international et autres graves violations des droits humains perpétrés en Afghanistan.

Les États membres de l’ONU doivent aussi adopter sans délai une résolution au Conseil de sécurité appelant les talibans à respecter le droit international relatif aux droits humains et à garantir la protection des personnes les plus menacées contre les représailles, notamment les défenseur·e·s des droits humains, les journalistes et les femmes dirigeantes en Afghanistan.

Amnesty International demande aussi l’arrêt immédiat des renvois forcés et des expulsions visant des Afghans.

Complément d’information

Le 19 août, Amnesty International a publié une enquête qui révélait le massacre de neuf hommes hazaras dans la province de Ghazni entre le 4 et le 6 juillet. Six de ces hommes ont été tués par balle et trois sont morts sous la torture, l’un d’entre eux ayant été étranglé avec son écharpe après avoir eu les muscles des bras découpés.