États-Unis. Le maintien d’une politique migratoire dangereuse aura des conséquences humaines négatives sur tout le continent américain

La décision rendue le 20 mai par un juge fédéral qui a empêché la levée du Titre 42 constitue un affront aux droits humains des personnes en quête de sécurité dans toute la région des Amériques, a déclaré Amnesty International lundi 23 mai.

Depuis la réinstauration du « Titre 42 » du Code des États-Unis en mars 2020 – une mesure prise par le gouvernement de Donald Trump au prétexte de freiner la pandémie de COVID-19, qui autorise les expulsions sans procédure d’évaluation et sans donner la possibilité aux personnes de demander l’asile – des dizaines de milliers de demandeurs et demandeuses d’asile ont été renvoyés dans les pays qu’ils avaient fuis. Dans le cadre de ce dispositif, associé à la politique « Rester au Mexique » (au titre de laquelle les autorités américaines ont renvoyé des personnes au Mexique dans l’attente de l’examen de leur demande d’asile aux États-Unis), des personnes en quête d’asile ont été abandonnées dans des camps le long de la frontière entre les deux pays, où elles courent un danger extrême.

« Les expulsions permises par le Titre 42 ont toujours été une politique xénophobe à peine masquée derrière une mesure de santé publique. La décision d’empêcher sa levée porte un coup terrible aux droits humains dans les Amériques et mettra de très nombreuses vies en danger, en violation du droit des États-Unis et du droit international. En faisant comprendre aux gouvernements de tous les pays du continent que les États-Unis ne tiennent aucun compte du droit fondamental de solliciter l’asile, elle donne un très mauvais exemple dans la protection des personnes en quête de sécurité. Alors que le gouvernement de Joe Biden continue de s’efforcer de faire disparaître définitivement le Titre 42 dans les tribunaux, le Congrès des États-Unis doit bloquer toute proposition de loi qui retarderait sa levée ou rendrait permanente la possibilité de procéder à des expulsions en vertu de ce texte », a déclaré Erika Guevara Rosas, directrice du programme Amériques d’Amnesty International.

Les pays des Amériques doivent engager une coopération internationale pour respecter véritablement les droits humains dans la procédure d’asile de chaque État et supprimer les facteurs qui poussent des populations à se déplacer.

Amnesty International a mené des recherches approfondies concernant l’impact du Titre 42 sur différents groupes de population ayant besoin d’une protection internationale, dont elle a publié les résultats :

Conséquences du Titre 42 pour les migrant·e·s haïtiens

En décembre 2021, en association avec le Center for Gender & Refugee Studies, la Haitian Bridge Alliance, la Clinique pour la justice mondiale de la Faculté de droit de l’Université de New York, le Groupe d’Appui aux Rapatriés et Réfugiés (GARR), Refugees International, Rezo Fwotalye Jano Siksè et le Service jésuite aux migrants, Amnesty International a publié un rapport sur les risques encourus par les Haïtiens et Haïtiennes expulsés en vertu du Titre 42.

Les organisations ont constaté que, sous couvert de santé publique, les États-Unis ont régulièrement utilisé abusivement le Titre 42 pour procéder à des expulsions collectives et empêcher les Haïtien·ne·s, entre autres, de solliciter l’asile. Cette pratique, largement critiquée par l’ONU, des experts de santé publique, des organisations de défense des droits humains et même des responsables américains, a exposé les personnes concernées à un risque accru de contracter le COVID-19 et semble avoir alimenté le racisme, la xénophobie et la discrimination dans le cadre de la politique américaine de contrôle des frontières. Le recours à une force excessive contre des personnes haïtiennes migrantes et demandeuses d’asile par des garde-frontières à cheval à Del Rio (Texas) en septembre 2021 a fait écho au racisme systémique, notamment envers les personnes noires, inhérent au maintien de l’ordre à travers le pays. Parallèlement, une synthèse de recherche publiée par Amnesty International en octobre 2021 a montré que d’autres pays des Amériques, dont le Mexique, le Chili et le Brésil, ne protègent pas les Haïtiens et Haïtiennes en déplacement contre un ensemble de violations des droits humains, parmi lesquelles la détention et les renvois forcés illégaux, le chantage, le racisme envers les Noir·e·s et les violences liées au genre commises notamment par des groupes armés, ni contre la misère. Ces manquements cumulés de plusieurs pays laissent des dizaines de milliers d’Haïtiens et d’Haïtiennes sans protection internationale et souvent dans l’incapacité de reconstruire leur vie en sécurité, où que ce soit.

Depuis le début de l’année 2021 et encore actuellement, les États-Unis sont à l’origine de l’immense majorité des expulsions de personnes haïtiennes vers de graves dangers encourus. Un nombre plus petit d’entre elles ont été renvoyées du Mexique et d’autres îles des Caraïbes.

Conséquences pour les enfants non accompagnés

En juin 2021, Amnesty International a publié des informations sur les retours forcés de dizaines de milliers d’enfants non accompagnés vers des situations de danger à cause des mesures telles que le Titre 42. Entre mars et novembre 2020, le Département de la sécurité intérieure a appréhendé et expulsé sommairement au moins 13 000 migrants mineurs non accompagnés dans le cadre du Titre 42. À la mi-novembre 2020, une juridiction fédérale a ordonné temporairement aux autorités américaines de cesser d’expulser des mineurs en vertu du Titre 42 et, à la fin janvier 2021, le président Joe Biden a émis un décret pérennisant l’exemption de ce dispositif pour les enfants non accompagnés.

Ces exemptions ont entraîné des séparations familiales en masse, car des parents font le choix impossible d’envoyer leurs enfants aux États-Unis non accompagnés tandis qu’eux-mêmes restent au Mexique, où ils sont exposés à de graves dangers.