Émirats arabes unis. Les dissidents détenus arbitrairement au-delà de leur peine de prison doivent être libérés sans attendre

Les autorités des Émirats arabes unis doivent immédiatement libérer un groupe de dissidents qui croupissent derrière les barreaux alors qu’ils ont purgé leur peine de prison, a déclaré Amnesty International le 30 mai 2022. Elles se servent de la loi relative à la lutte contre le terrorisme formulée en termes vagues pour maintenir arbitrairement des personnes en détention sous prétexte de « conseils pour combattre l’extrémisme ».

En mars et avril, 10 hommes arrêtés en 2012 dans le cadre de la répression contre la dissidence pacifique et l’opposition politique devaient être libérés une fois leur peine purgée ; pourtant, ils sont toujours derrière les barreaux. Ils faisaient partie des 94 Émiriens poursuivis dans l’affaire dite des « UAE 94 » et comptaient parmi les 69 qui ont été condamnés à des peines de prison non susceptibles d’appel à l’issue d’un procès collectif manifestement inique.

« Ces hommes ont déjà passé une décennie derrière les barreaux parce qu’ils ont osé critiquer les autorités émiriennes ou sont perçus comme des membres de l’opposition politique, et cette injustice se prolonge désormais au-delà de leurs dates de libération tant attendues. Ce qui illustre une nouvelle fois la manière dont les autorités des Émirats arabes unis se servent du système judiciaire pour parvenir à leurs fins, sapent l’état de droit, criminalisent la dissidence pacifique et réduisent au silence quiconque exprime un désaccord, a déclaré Lynn Maalouf, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord à Amnesty International.

« Les autorités émiriennes doivent libérer immédiatement toute personne détenue au-delà de la fin de sa peine de prison et mettre un terme à la pratique illégale de prolongation arbitraire des peines. Elles doivent aussi libérer de manière immédiate et inconditionnelle toutes les personnes détenues uniquement pour avoir exercé sans violence leurs droits humains. »

Amnesty International a recensé 24 Émiriens emprisonnés pour avoir exercé leurs droits à la liberté d’expression et d’association, maintenus en détention alors qu’ils ont fini de purger leur peine depuis 2017. Sept d’entre eux ont finalement été libérés et 17 sont toujours en prison.

Les « UAE 94 » : une injustice qui dure depuis 10 ans

Cinq des hommes détenus alors que leur peine a pris fin en mars avaient signé en 2011 une pétition appelant à établir un Parlement démocratique aux Émirats arabes unis. Sur 15 accusés dans le cadre du procès des « UAE 94 » dont les peines sont purgées, un seul a été libéré. Amnesty International considère que ce procès est dans l’ensemble illégal car il s’agit d’un procès collectif ayant abouti à la détention arbitraire de dizaines de personnes au mépris de leur droit à une procédure équitable. Elle a relevé à l’époque que 11 des 14 prisonniers faisant partie de ce groupe actuellement détenus au-delà de la fin de leur peine sont des prisonniers d’opinion.

Les cinq autres ont été poursuivis en raison de leur association avec al Islah, un groupe islamiste émirien affilié au mouvement international des Frères musulmans.

Selon des exilés émiriens et des membres de familles de prisonniers des « UAE 94 » qui se sont entretenus avec Amnesty International, l’administration pénitentiaire a remis aux 10 hommes qui devaient être libérés en mars et avril un document six mois avant la fin de leur peine, indiquant qu’ils seraient maintenus en détention après cette date pour des « conseils ».

Le fils de l’un des prisonniers a déclaré à Amnesty International :

« Mon père a purgé sa peine, et pourtant après toutes ces longues années, il est toujours enfermé en prison pour une durée indéterminée, sans aucun fondement légal. »

Depuis 2017, Amnesty International suit les cas de 10 prisonniers liés à d’autres procès que les autorités émiriennes ont refusé de libérer une fois leur peine purgée et qui ont tous été poursuivis uniquement pour avoir exercé pacifiquement leurs droits à la liberté d’expression et d’association. Elle a recensé 32 cas d’Émiriens actuellement derrière les barreaux pour avoir exercé pacifiquement ces droits.

« Des conseils » pour faire taire la dissidence

En vertu de la loi antiterroriste de 2014, les tribunaux émiriens peuvent ordonner, à la demande du Parquet fédéral, qu’une personne « adoptant une pensée extrémiste ou terroriste » soit placée dans des « centres de conseil ». Ces centres sont censés soumettre au Parquet un rapport tous les trois mois, sur lequel se fondent les tribunaux pour déterminer si la personne peut être libérée. La loi n’accorde au prisonnier aucun droit d’être présent ou d’être représenté par un avocat dans ces procédures, ni aucun droit de faire appel de son maintien en détention.

En outre, tous les prisonniers détenus au-delà de la fin de leur peine continuent d’être incarcérés dans la même prison et dans les mêmes conditions qu’auparavant.

Un membre de la famille d’un prisonnier a raconté que son père avait essayé d’obtenir les services d’un avocat pour l’aider à contester son maintien en détention, mais aucun n’était disposé à défier le gouvernement en acceptant son affaire.

« Bien sûr, il ne peut obtenir aucune assistance juridique, a déclaré ce proche. Il ne lui est pas possible de se faire représenter par un avocat ni de s’opposer à ces violations de la loi dont il est victime. »

« La loi relative à la lutte contre le terrorisme aux Émirats arabes unis n’est qu’un écran de fumée dont les autorités se servent comme outil de répression et de restriction de l’espace civique », a déclaré Lynn Maalouf.

Complément d’information

L’affaire des « UAE 94 » fut un procès collectif manifestement inique que les autorités des Émirats arabes unis ont mené contre des dissidents et des membres du mouvement politique al Islah en 2012 et 2013. L’accusation a utilisé des « aveux » obtenus sous la contrainte comme élément clé, que le tribunal a retenus à titre de preuve.

Enfin, Amnesty International a relaté l’an dernier que les autorités ont retiré la nationalité émirienne aux familles de deux prisonniers des « UAE 94 » et coupé toute communication entre les détenus et leurs proches pendant des mois, voire des années d’affilée.