DES ORGANISATIONS DE LA SOCIETE CIVILE INTERPELLENT LES ÉTATS MEMBRES DE L’ONU ET EXHORTENT LE CONSEIL DES DROITS DE L’HOMME A AGIR FACE A LA PERSISTANCE DES ATTEINTES AUX DROITS HUMAINS EN ARABIE SAOUDITE

Nous, organisations de la société civile signataires, demandons aux États de soutenir une action conjointe lors de la session en cours du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, afin de rappeler l’Arabie saoudite à ses obligations internationales en matière de droits humains. Le 12 mars 2022, les autorités saoudiennes ont exécuté 81 hommes lors de ce qui constitue la plus grande exécution de masse recensée depuis plusieurs décennies. Au moins 41 des personnes exécutées faisaient partie de la minorité musulmane chiite du pays, qui souffre depuis longtemps d’une violente répression de la part du gouvernement. Cet événement révèle une nouvelle fois l’utilisation de la peine de mort par les autorités pour faire taire la dissidence dans la province de l’Est.

Les personnes exécutées avaient été déclarées coupables de divers chefs d’accusation, notamment d’infractions liées au « terrorisme », de meurtre, de vol à main armée et de trafic d’armes. Certaines avaient aussi été condamnées pour « atteinte au tissu social et à la cohésion nationale » ou « participation et incitation à des sit-ins et à des manifestations », infractions couvrant des actes protégés par le droit à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association.

Les déclarations conjointes remises au Conseil des droits de l’homme lors de ses 40e, 42e et 45e sessions respectivement par l’Islande, l’Australie et le Danemark ont entraîné des conséquences positives, notamment la libération conditionnelle de plusieurs femmes défenseures des droits humains qui étaient détenues. De plus, des condamnations à mort prononcées contre des personnes qui étaient mineures au moment des faits reprochés ont été commuées à la suite d’un décret royal, notamment pour Ali al Nimr, Dawoud al Marhoun et Abdullah al Zaher.

Cependant, les autorités saoudiennes n’ont toujours pas répondu à un certain nombre de préoccupations exprimées dans les différentes déclarations conjointes. Depuis la dernière d’entre elles, en septembre 2020, la situation des droits humains en Arabie saoudite s’est considérablement détériorée et nos organisations ont répertorié un ensemble de graves violations des droits par les autorités saoudiennes. Parmi ces violations figurent des arrestations et détentions arbitraires de personnes exerçant leurs droits fondamentaux de manière pacifique ; des recours arbitraires aux interdictions de voyager contre des militant·e·s ayant été libérés ou ayant purgé leur peine de prison, ainsi que contre des membres de leur famille ; des négligences médicales et administratives volontaires ayant entraîné la mort en détention ; des travailleurs et travailleuses immigrés et leurs proches retenus dans des centres de détention dans des conditions inhumaines ; et de nombreuses condamnations à de longues peines de prison, jusqu’à 20 ans, appliquées à des dissidents pacifiques après des procès d’une iniquité flagrante.

Les autorités saoudiennes affirment avoir cessé d’utiliser la peine de mort contre des enfants, mais rien ne prouve que ce soit vrai et de sérieuses failles juridiques demeurent en la matière. Le 7 mars 2022, les autorités saoudiennes ont par exemple de nouveau condamné à mort Abdullah al Huwaiti pour des infractions qui auraient été commises alors qu’il n’avait que 14 ans. Son procès a été marqué par de nombreuses violations des normes internationales en matière d’équité, notamment en s’appuyant sur des « aveux » qui, selon Abdullah al Huwaiti et ses coaccusés, ont été obtenus sous la torture.

Alors que l’Arabie Saoudite assure à présent respecter un nombre croissant de droits humains des femmes, notamment le droit d’avoir leur propre passeport et, en théorie, celui de voyager sans obtenir la permission de leur tuteur masculin, les autorités permettent toujours aux tuteurs masculins d’engager des poursuites pour désobéissance. Le nouveau Code de la famille, adopté en mars 2022, inscrit dans la législation des discriminations à l’égard des femmes, dont la tutelle masculine sur les femmes. Ce texte dispose que les femmes doivent avoir l’autorisation d’un homme pour se marier et que, après leur mariage, elles doivent obéir à leur mari.

Les défenseur·e·s des droits humains de premier plan ayant bénéficié d’une libération conditionnelle restent tous soumis à de graves restrictions, notamment en ce qui concerne leurs libertés d’expression et de déplacement. Le grand nombre de militant·e·s en Arabie Saoudite actuellement emprisonnés ou faisant l’objet d’une interdiction de voyager démontre que le gouvernement refuse de créer un espace pour la société civile.

Seule une pression internationale soutenue sur les autorités saoudiennes pourra aboutir à de réelles avancées vers le respect total des droits humains et des libertés en Arabie saoudite. Au vu de la situation actuelle et des critères objectifs sur lesquels nous nous fondons, nous jugeons nécessaire que le Conseil accentue sa surveillance de la situation. Ainsi, nous exhortons tous les États à agir lors de la 50e session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU et à faire en sorte que la situation des droits humains en Arabie saoudite soit surveillée et que des informations soient rendues publiques à ce sujet.

Signataires

ALQST for Human Rights

Amnesty International

Gulf Center for Human Rights

Human Rights Watch