Égypte. Il faut abandonner les fausses accusations visant une organisation égyptienne de défense des droits humains.

Les autorités égyptiennes doivent libérer immédiatement Ezzat Ghoniem, fondateur de l’organisation de défense des droits humains Coordination égyptienne pour les droits et les libertés, ainsi que 13 autres personnes, toutes jugées pour des motifs absurdes liés à leur action en faveur des droits humains ou à leur dissidence pacifique, a déclaré Amnesty International le 1er mars 2023, alors que leur jugement est attendu pour le 5 mars.

Ces 14 personnes sont détenues arbitrairement depuis 2018 et comparaissent devant une cour de sûreté de l’État, ce qui implique des violations flagrantes de leur droit à un procès équitable.

Les accusés ont subi toute une série de violations des droits humains, notamment des disparitions forcées et des actes de torture ou des mauvais traitements. S’ils sont reconnus coupables, ils risquent des peines de prison allant de cinq ans à la réclusion à perpétuité.

« Ce procès à caractère politique devant une juridiction d’exception s’inscrit dans la volonté des autorités égyptiennes de réduire au silence ce groupe de défenseur·e·s des droits humains, d’avocat·e·s et de détracteurs réels ou présumés de l’État. Ces 14 personnes sont poursuivies simplement pour avoir exercé leurs droits fondamentaux. Elles doivent être libérées sans attendre et toutes les charges retenues contre elles doivent être abandonnées, a déclaré Philip Luther, directeur des recherches et des actions de plaidoyer pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnesty International.

« Les autorités égyptiennes ne se sont pas contentées d’écraser la Coordination égyptienne pour les droits et les libertés, qui a annoncé sa fermeture au lendemain de l’arrestation de son fondateur et de ses associé·e·s. Elles ont lancé une campagne de vengeance ciblant toutes les personnes considérées comme affiliées à l’organisation et leur ont infligé des actes très cruels en détention, notamment en les privant des visites de leur famille pendant plus de quatre ans. »

Parmi les accusés figurent Hoda Abdelmoniem, avocate spécialiste des droits humains, Aisha el Shater, fille d’un haut dirigeant des Frères musulmans, et son époux, l’avocat Mohamed Abo Horeira.

Disparitions forcées et actes de torture

Les 14 accusés sont détenus arbitrairement depuis plus de quatre ans ; la plupart ont été interpellés lors d’une série de raids menés par les forces de sécurité entre le 30 octobre et le 1er novembre 2018. Amnesty International a noté que tous ont été soumis à des disparitions forcées pendant des périodes allant jusqu’à trois mois, pendant lesquelles les autorités ont refusé de révéler à leurs familles l’endroit où ils se trouvaient.

Les forces de sécurité ont soumis 13 détenus à la torture ou à des mauvais traitements pendant leur détention dans des centres contrôlés par l’Agence de sécurité nationale (NSA) – passages à tabac, décharges électriques, violences sexuelles et menaces d’agression sexuelle ou d’incarcération de leurs proches. Au cours des interrogatoires, la plupart ont été questionnés sur leur appartenance présumée aux Frères musulmans et contraints d’« avouer » sous la torture.

Ce procès à caractère politique devant une juridiction d’exception s’inscrit dans la volonté des autorités égyptiennes de réduire au silence ce groupe de défenseur·e·s des droits humains, d’avocat·e·s et de détracteurs réels ou présumés de l’État

Philip Luther, Amnesty International

Plusieurs détenus ont porté plainte concernant leur disparition forcée et la torture subie auprès du Service du procureur général de la sûreté de l’État, mais ces allégations n’ont pas fait l’objet d’une enquête adéquate. L’un d’entre eux, Ibrahim Atta, a déclaré aux procureurs qu’il avait été roué de coups et soumis à des décharges électriques, notamment sur les testicules et la langue, suspendu dans des positions douloureuses et privé de nourriture, d’eau et d’accès aux toilettes pendant quatre jours.

Une fois transférés depuis des centres supervisés par l’Agence de sécurité nationale vers des prisons de droit commun, les 14 accusés ont continué de subir des traitements assimilables à de la torture et d’autres mauvais traitements, comme l’isolement cellulaire prolongé. Ils se sont vus refuser les visites de leur famille pendant toute la durée de leur détention. Seule Hoda Abdelmoniem a pu obtenir une seule visite, sous la surveillance d’agents des forces de sécurité, en août 2022. Hoda Abdelmoniem et Aisha el Shater ont été délibérément privées d’accès à des soins adéquats, alors qu’elles souffraient de problèmes de santé mettant leur vie en danger.

« Toutes les personnes présumées responsables des actes de torture et de la disparition forcée infligés à ces accusés doivent faire l’objet d’une information judiciaire et, s’il existe suffisamment de preuves recevables, être jugées dans le cadre de procès équitables », a déclaré Philip Luther.

Un procès manifestement inique

Le 23 août 2021, le service du procureur général de la sûreté de l’État a renvoyé les 14 détenus et 17 autres personnes pour être jugés devant une cour de sûreté de l’État. Ils ont notamment été inculpés d’avoir rejoint, financé et soutenu un groupe terroriste, à savoir les Frères musulmans, qualifiés d’organisation terroriste par les autorités égyptiennes.

Ezzat Ghoniem, Hoda Abdelmoniem, Aisha el Shater et Mohamed Abo Horeira ont également été inculpés de diffusion de « fausses informations » au sujet d’atteintes aux droits humains imputables aux forces de sécurité, sur la page Facebook de la Coordination égyptienne pour les droits et les libertés.

Tout au long de l’enquête et du procès, qui a débuté le 11 septembre, il a été interdit aux accusés de s’entretenir avec leurs avocats en privé. Plusieurs ont été interrogés par le service du procureur général de la sûreté de l’État en l’absence de leurs avocats.

Les audiences se sont déroulées en secret au complexe pénitentiaire de Badr, à 70 kilomètres à l’est du Caire. Les observateurs, les simples citoyens et les proches des accusés n’ont pas été autorisés à assister aux audiences. Les avocats ont indiqué qu’ils n’avaient pas été autorisés à consulter les dossiers de leurs clients pendant l’enquête. Ils ont ajouté que le tribunal s’est appuyé sur les témoignages de membres de l’Agence de sécurité nationale, retenus sans véritable contre-interrogatoire, et qu’il n’a pas permis à tous les accusés de s’exprimer lors des audiences.

Complément d’information

Les procédures au sein des cours de sûreté de l’État sont actives lorsque l’état d’urgence est en vigueur – le dernier s’est terminé en octobre 2021. La loi dispose toutefois que les procès en cours doivent se poursuivre même après la levée de l’état d’urgence.

Ces procédures sont intrinsèquement iniques. Les accusés sont privés du droit d’interjeter appel devant une instance supérieure de la déclaration de culpabilité et de la peine. Seul le président conserve le pouvoir d’autoriser, d’annuler ou de commuer les peines ou d’ordonner la tenue d’un nouveau procès.

La Coordination égyptienne pour les droits et les libertés, qui recueillait des informations sur les disparitions forcées et le recours à la peine de mort, et apportait une aide juridique aux victimes de violations des droits humains, a annoncé la suspension de son travail en faveur des droits humains le 1er novembre 2018.