Israël et territoires palestiniens occupés. Hyundai CE doit mettre fin à ses liens avec les crimes de guerre à Masafer Yatta

Hyundai Construction Equipment (Hyundai CE) doit prendre des mesures immédiates pour empêcher l’implication de ses produits dans les démolitions à Masafer Yatta, ont déclaré Amnesty International et Democracy for the Arab World Now (DAWN) jeudi 16 mars. Les deux organisations ont relevé cinq cas où les forces israéliennes ont utilisé des pelleteuses fabriquées par Hyundai CE pour démolir des biens immobiliers palestiniens à Masafer Yatta, une zone de la Cisjordanie occupée où quelque 1 150 habitant·e·s risquent à tout moment de subir un déplacement forcé. Les démolitions en question ont déplacé au moins 15 Palestiniens et Palestiniennes, dont six enfants, et constituent des crimes de guerre au regard de la Quatrième Convention de Genève.

Les habitant·e·s palestiniens de Masafer Yatta vivent dans une peur constante – à scruter l’horizon en attendant l’arrivée des soldats israéliens, et des pelleteuses qui signifient la fin de la vie telle qu’ils la connaissent

Mark Dummett, Amnesty International.

Amnesty International a écrit à Hyundai CE pour lui faire part de ses conclusions, en lui demandant d’expliquer quelles procédures relatives au devoir de diligence en matière de droits humains l’entreprise avait appliquées pour éviter que ses produits ne soient utilisés par les forces israéliennes pour commettre des violations en Israël et dans les territoires palestiniens occupés. Hyundai CE a indiqué ne pas « participer aux activités de colonisation israéliennes », mais n’a pas fourni de précisions concernant la diligence requise. L’entreprise n’a pas non plus répondu aux préoccupations d’Amnesty International relatives à l’utilisation par l’armée israélienne de produits Hyundai CE pour procéder à des démolitions à Masafer Yatta. Amnesty International a également écrit à EFCO Ltd (EFCO), distributeur exclusif de Hyundai CE en Israël, mais n’avait encore reçu aucune réponse de sa part au moment de la publication du présent communiqué.

« Les habitant·e·s palestiniens de Masafer Yatta vivent dans une peur constante – à scruter l’horizon en attendant l’arrivée des soldats israéliens, et des pelleteuses qui signifient la fin de la vie telle qu’ils la connaissent. Certaines personnes ont déjà vu l’armée israélienne utiliser des pelleteuses pour démolir les habitations de leur quartier et démanteler des infrastructures essentielles dans des villages – pelleteuses qui portaient le logo de Hyundai, a déclaré Mark Dummett, directeur du programme Responsabilité des entreprises en matière de droits humains à Amnesty International.

« Hyundai CE doit agir de toute urgence pour mettre fin à l’implication de ses produits dans des transferts forcés de population et des démolitions illégales d’habitations. Ces violations contribuent à maintenir le système israélien d’apartheid et constituent des crimes de droit international. Aucune entreprise ne devrait y être liée ou en tirer avantage. Nous engageons Hyundai CE à couper ses liens avec son distributeur israélien EFCO tant que celui-ci n’aura pas pris de mesures concrètes afin de garantir que les produits Hyundai CE ne servent pas à commettre des violations des droits humains. »

Amnesty International considère que Hyundai CE n’a pas appliqué la diligence requise en matière de droits humains pour ses activités en Israël. Une évaluation adéquate des risques aurait dû l’avertir qu’il était probable que ses produits soient utilisés à terme par les forces israéliennes pour commettre des violations en Israël et dans les territoires palestiniens occupés. Cette entreprise a maintenant le devoir d’atténuer les préjudices auxquels elle est liée. Elle doit à cet effet prendre des mesures telles que revoir ses lignes directrices relatives

aux droits humains et publier un plan décrivant les actions qui seront entreprises pour mettre fin à l’implication de ses produits dans des violations des droits humains.

Amnesty International et DAWN appellent Hyundai CE à suspendre la distribution de ses produits en Israël par le biais d’EFCO jusqu’à ce que ce dernier s’engage à appliquer la diligence requise en matière de droits humains et garantisse que ses utilisateurs finaux n’emploient pas des engins Hyundai CE pour des activités illégales.

Les forces israéliennes démolissent des habitations avec des pelleteuses Hyundai CE

En mai 2022, la Haute Cour de justice d’Israël a rejeté un recours des habitant·e·s de Masafer Yatta et autorisé la démolition de neuf hameaux et villages, donnant son feu vert à l’un des plus vastes transferts forcés dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967. Plusieurs dizaines de démolitions ont déjà été effectuées. En janvier 2023, les autorités israéliennes ont informé les habitant·e·s que leur transfert forcé était imminent.

Amnesty International et DAWN ont pu vérifier l’utilisation de pelleteuses Hyundai CE pour cinq démolitions qui ont eu lieu à Masafer Yatta en 2022. Ainsi, le 15 février 2022, les forces israéliennes ont démoli une habitation où vivait une famille de six personnes et une citerne d’eau à l’aide d’une pelle sur chenilles Hyundai HX330AL dans le village de Khallet al Mayah. En juillet 2022, elles se sont servies d’une pelle sur pneus Hyundai HW210 et d’une pelle sur chenilles HX330AL pour démolir deux habitations lors de deux opérations distinctes dans le village d’Umm Qussa, déplaçant au moins neuf personnes. Dans tous ces cas, le logo de Hyundai était bien visible sur les engins utilisés, de même que l’autocollant du distributeur EFCO.

« C’est une période décisive pour les habitant·e·s palestiniens de Masafer Yatta, qui sont confrontés à une accélération des démolitions visant leurs habitations et leurs villages que mènent les autorités israéliennes pour vider cette zone de sa population d’origine, a déclaré Adam Shapiro, directeur des actions de plaidoyer de DAWN pour Israël et la Palestine.

« Les entreprises comme Hyundai doivent agir immédiatement pour s’assurer qu’elles ne sont pas complices de crimes de guerre, et signifier clairement aux autorités et aux entreprises israéliennes que les normes relatives aux droits humains ne sont pas seulement des mots sur une page, mais ont des conséquences concrètes. Hyundai CE est averti d’un crime et peut prendre des mesures décisives, à l’impact potentiellement vaste. »

Responsabilités des entreprises

Les Principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme indiquent que les entreprises sont tenues de respecter les droits humains, quel que soit l’endroit où elles mènent leurs activités. Elles doivent par conséquent prendre des mesures pour prévenir les atteintes aux droits humains liées à leurs activités, leurs produits ou leurs services et, lorsque de telles atteintes ont lieu, les faire cesser, en atténuer les effets et accorder des réparations – même si leur implication dans ces violations n’est pas directe. Les entreprises doivent également veiller à ce que leurs distributeurs ne vendent leurs produits qu’à des clients qui respectent les droits humains. Cette obligation s’applique dans le cas présent, quels que soient les contrats précis qui lient Hyundai CE, EFCO et l’armée israélienne.

Dans les situations de conflit armé, y compris en cas d’occupation militaire, les entreprises doivent en outre respecter le droit international humanitaire. Aux termes de la Quatrième Convention de Genève, le transfert forcé d’une partie de la population constitue un crime de guerre, de même que la destruction illégale de biens non justifiée par des nécessités militaires. Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale dispose par ailleurs que les transferts forcés, lorsqu’ils sont commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre une population civile, constituent des crimes contre l’humanité. Les entreprises qui apportent en

connaissance de cause une aide concrète qui contribue clairement à des crimes contre l’humanité peuvent être tenues responsables pénalement de complicité de ces crimes.

Les démolitions à Masafer Yatta sont aussi des violations du droit à un niveau de vie suffisant, qui comprend le droit au logement. En tant que puissance occupante dans les territoires palestiniens occupés, Israël a l’obligation de respecter et de protéger ces droits.

Des questions sans réponse

Le 20 juillet 2022, Hyundai CE a publié ses lignes directrices en matière de gestion des droits humains. Dans ce document, l’entreprise affirme rejeter toute forme de violation liée à ses activités et s’engage à « tenir compte des atteintes aux droits de la population locale ».

Amnesty International a écrit à Hyundai CE le 27 janvier 2023 pour souligner que l’entreprise avait manqué à ses obligations internationales et à ses propres directives. Dans sa réponse du 2 février, celle-ci a indiqué respecter ses responsabilités à l’égard des droits humains, insisté sur son engagement de « promouvoir » les Principes directeurs de l’ONU et affirmé ne pas être impliquée dans les colonies israéliennes. Cependant, Hyundai CE n’a pas répondu aux conclusions d’Amnesty International concernant l’utilisation de ses engins dans les démolitions à Masafer Yatta.

Dans une nouvelle lettre envoyée le 6 février, l’organisation a réitéré ses observations et ses demandes. Au moment de la publication du présent communiqué, elle n’avait pas encore reçu de réponse à ce deuxième courrier.

Le 21 février, Amnesty International a écrit à EFCO pour lui faire part de ses conclusions et demander des informations sur les procédures de l’entreprise relatives au devoir de diligence en matière de droits humains. Au moment de la publication du présent communiqué, EFCO n’avait pas encore répondu.

« Hyundai CE doit traduire ses engagements de respect des droits humains en actions concrètes. Nos recherches montrent que, jusqu’à présent, ses procédures relatives au devoir de diligence n’ont pas empêché que ses produits soient liés à des violations des droits humains. Hyundai CE doit améliorer ses procédures en matière de droits humains et suspendre ses relations avec son distributeur israélien tant que le respect des normes internationales ne sera pas garanti, a déclaré Mark Dummett.

« Si elles se poursuivent, les expulsions massives de Palestiniens et Palestiniennes de Masafer Yatta constitueront l’un des plus vastes transferts forcés dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967. Hyundai CE ne doit jouer aucun rôle dans ce crime épouvantable. Nous appelons à nouveau les États, les entreprises et les autres acteurs ayant une influence sur la politique israélienne à employer tous les moyens politiques et diplomatiques dont ils disposent pour mettre fin aux démolitions à Masafer Yatta et au transfert forcé de Palestiniens et de Palestiniennes. »

Complément d’information

Dans les années 1980, les autorités israéliennes ont déclaré une grande partie de Masafer Yatta comme « zone militaire fermée », en affirmant avoir besoin de ces terrains pour effectuer des exercices d’entraînement. Depuis, les familles palestiniennes qui vivent sur place depuis plusieurs générations sont confrontées à la menace constante de subir une démolition et un déplacement, ainsi que des attaques de groupes de colons israéliens et du harcèlement de la part de l’armée israélienne.