Israël/TPO. La mort de Khader Adnan met en évidence le traitement cruel réservé aux prisonniers palestiniens par les autorités israéliennes

La mort du prisonnier palestinien Khader Adnan est un rappel du terrible coût que les Palestinien·ne·s ont à payer lorsqu’ils contestent le système d’apartheid et de justice militaire qu’Israël utilise contre eux, a déclaré Amnesty International le 3 mai. Khader Adnan est mort dans la prison israélienne de Ramle le 2 mai, après avoir mené une grève de la faim pendant 87 jours afin de protester contre la détention arbitraire systématique des Palestinien·ne·s et le traitement cruel et inhumain auquel sont soumises les personnes incarcérées. Les détenus palestiniens recourent fréquemment à la grève de la faim pour contester cette politique, mettant ainsi en péril leur santé et leur vie pour réclamer des droits dont Israël les prive.

Khader Adnan est le premier Palestinien mort des suites d’une grève de la faim depuis 1992. Quand il a été en danger de mort, les autorités israéliennes ont refusé que Khader Adnan reçoive dans un hôpital civil les soins spécialisés dont il avait besoin, et elles l’ont laissé mourir seul dans sa cellule

Heba Morayef, Amnesty International.

Khader Adnan était boulanger et il a eu neuf enfants avec sa femme Randa, qui a inlassablement mené campagne pour obtenir sa libération. Il a été arrêté à 13 reprises à partir de 2004 par les autorités israéliennes en raison de son affiliation à la branche politique du mouvement Djihad islamique palestinien (DIP). Si la branche armée du DIP a mené des attaques contre des civil·e·s israéliens, Khader Adnan n’a lui-même jamais été inculpé d’une quelconque participation à ces actes de violence. Au total, il a passé huit ans en détention, dont près de six en détention administrative, sans inculpation ni jugement.

« Khader Adnan est le premier Palestinien mort des suites d’une grève de la faim depuis 1992. Quand il a été en danger de mort, les autorités israéliennes ont refusé que Khader Adnan reçoive dans un hôpital civil les soins spécialisés dont il avait besoin, et elles l’ont laissé mourir seul dans sa cellule. Le traitement ignoble qu’a reçu ce détenu connu internationalement représente le dernier signe en date du mépris toujours grandissant dont font preuve les autorités israéliennes à l’égard des droits et de la vie des Palestinien·ne·s, et de la cruauté de plus en plus féroce qu’elles manifestent à l’encontre de ces personnes », a déclaré Heba Morayef, directrice régionale pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient à Amnesty International.

« Khader Adnan avait par le passé mené cinq autres grèves de la faim : quatre pour protester contre l’utilisation systématique et discriminatoire de la détention administrative dans le but d’incarcérer des Palestinien·ne·s sans inculpation ni jugement, et une pour protester contre sa détention à l’isolement. Comme de très nombreux autres Palestinien·ne·s détenus dans les prisons israéliennes, Khader Adnan n’avait aucune autre possibilité de dénoncer les injustices subies par lui-même et des milliers d’autres personnes sous le régime d’apartheid mis en place par les autorités israéliennes.

« Il est de plus en plus difficile pour les Palestinien·ne·s de dénoncer l’oppression qu’ils subissent. Celles et ceux qui participent à des manifestations risquent d’être arrêtés, grièvement blessés ou tués de façon illégale. Les défenseur·e·s des droits humains se voient imposer des interdictions de voyager, sont arrêtés ou transférés de force ou expulsés ; le mouvement Boycott, désinvestissement et sanctions a été proscrit ; les organisations de défense des droits humains sont interdites ; et les grévistes de la faim mettent leur vie en danger. La mort de Khader Adnan nous rappelle une fois de plus qu’il n’y aura pas de justice pour les Palestinien·ne·s tant que l’apartheid n’aura pas été démantelé. »

En février 2023, Khader Adnan a été arrêté et inculpé par un tribunal militaire israélien d’« incitation à la violence », dans une large mesure parce qu’il avait rendu visite à des familles de prisonniers palestiniens et s’était rendu aux funérailles de personnes tuées par les forces israéliennes. Dans la majorité des cas, aucune charge n’avait été retenue contre Khader Adnan lors de ses précédentes incarcérations, et l’inculpation était inhabituelle.

Traitement inhumain et dégradant

Les autorités israéliennes ont déclaré que Khader Adnan avait refusé de recevoir des soins médicaux. Or, un médecin qui lui a rendu visite pendant sa grève de la faim a dit à Amnesty International que les autorités ne lui avaient pas permis de bénéficier des soins et du contrôle médicaux spécialisés et indépendants dont il avait besoin. Ce médecin a déclaré que Khader Adnan avait demandé d’être placé sous supervision médicale dans un hôpital civil, mais que l’administration pénitentiaire israélienne l’avait renvoyé dans sa cellule, en prison, où des gardiens allaient voir toutes les demi-heures s’il était toujours en vie. La privation de soins médicaux adéquats a constitué une violation du droit de Khader Adnan à la santé, et un traitement inhumain et dégradant.

Khader Adnan a passé six ans au total en détention administrative, c’est-à-dire en détention sans inculpation ni jugement et pour une période indéfiniment renouvelable. Les ordonnances de détention administrative, qui sont souvent entérinées par des tribunaux militaires, sont couramment utilisées pour sanctionner et réprimer toute forme de dissidence dirigée contre le régime militaire répressif d’Israël.

Les ordonnances de détention administrative rendues par l’armée israélienne contre des Palestinien·ne·s sont basées sur des preuves secrètes et sont presque automatiquement approuvées par les tribunaux militaires en fonction en Cisjordanie occupée. Les personnes en détention administrative ne peuvent pas contester les motifs de leur détention, ce qui les prive de leur droit à une procédure régulière.

L’utilisation systématique et discriminatoire de la détention administrative contre les Palestinien·ne·s fait partie du système israélien de domination et d’oppression et constitue le crime contre l’humanité d’apartheid. Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale prévoit que l’incarcération en violation des règles fondamentales du droit international constitue également un crime contre l’humanité s’il est commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique contre une population civile.

Plus de 24 heures après la mort de Khader Adnan, la famille de cet homme n’avait toujours pas pu obtenir la restitution de son corps pour les funérailles, malgré une demande déposée mardi par son avocat. Amnesty International demande aux autorités israéliennes de faire le nécessaire pour que le corps de Khader Adnan soit rapidement rendu à sa famille afin que celle-ci puisse l’inhumer dignement, conformément aux dispositions du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits humains.

« Nous réitérons aujourd’hui l’appel lancé par Khader Adnan pour que les détenu·e·s palestiniens soient traités de façon humaine et jugés dans le respect des règles d’équité des procès, et pour qu’il soit mis fin à l’utilisation de la détention administrative.

Heba Morayef. Amnesty International

« Les tribunaux militaires israéliens et le recours à la détention administrative inversent les règles fondamentales de la justice en considérant automatiquement les Palestinien·ne·s comme des suspects uniquement en raison de leur appartenance ethnique, et contribuent à pérenniser le cruel système israélien d’apartheid. »

Contexte

Si elle n’est pas prohibée par le droit international humanitaire, la détention administrative n’est légale que si elle est utilisée pour des motifs de sécurité impératifs. Comme Israël utilise la détention administrative de façon courante et généralisée, cela rend cette pratique arbitraire et donc, contraire au droit international relatif aux droits humains et au droit international humanitaire. De plus, en violation du droit international, elle est utilisée de façon très discriminatoire : début mai 2023, on comptait 1 010 personnes placées en détention administrative en Israël, et quatre seulement de ces personnes n’étaient pas palestiniennes. Ce nombre de Palestinien·ne·s en détention administrative est le plus élevé jamais enregistré depuis 30 ans.

À la fin de l’année 2022, selon les informations disponibles, quelque 4 900 Palestinien·ne·s se trouvaient derrière les barreaux en Israël.